Le mécanisme de vetting, outil de prévention nécessaire contre l’arménophobie, le négationnisme et l’apologie des républiques turques

Par Alexandre KEBABDJIAN

En l’absence de l’application d’une justice pénale contre la Turquie et l’Azerbaïdjan suite au génocide de 1915-1923, crime toujours impuni, et en l’absence de lignes directrices claires au service de la justice, de la dignité, et des réparations, de la part des organisations internationales, de l’Arménie et de la diaspora, la Turquie, l’Azerbaïdjan, et les héritiers des criminels Ittihadistes Jeunes-Turcs, ont obtenu un blanc-seing et une protection contre toute poursuite pénale.

La question de l’impunité demeure un sujet tabou au sein de la communauté internationale, ouvrant les portes à un révisionnisme rampant et à une banalisation historique.

Ce paradigme de l’impunité, accepté par la communauté scientifique, a eu des conséquences sur la vie politique, institutionnelle et judiciaire. Des personnalités considèrent qu’en raison de cette impunité, elles disposent d’une tolérance et peuvent ainsi publiquement ou au cours de réunions privées, défendre les propos de la Turquie et de l’Azerbaïdjan, de leurs dirigeants et de leurs relais, contre les Arméniens, faire l’apologie de ces pays héritiers des criminels Jeunes-Turcs Ittihadistes, dissimuler ou banaliser le génocide, justifier son impunité.

Le fait est qu’un vote, une procédure de décision publique, une décision de justice, une pétition, un discours, un écrit relatifs à Ankara, à Bakou, aux Turcs, aux Arméniens est déterminé par cette tolérance de l’impunité : les acteurs politiques, judiciaires ou institutionnels sont donc fondamentalement influencés.

Un vetting, mécanisme de contrôle indépendant, permettrait en amont de déterminer, en l’espèce, si des personnalités du monde politique, institutionnel et judiciaire, partagent une idéologie et des intérêts communs avec les héritiers des criminels Jeunes-Turcs Ittihadistes et consorts ayant perpétré le génocide de 1915-1923.

Il s’agira ici de vérifier le parcours des membres d’un gouvernement, d’un parlement, d’une juridiction, d’une administration, d’un parti politique, d’un think tank, d’une organisation régionale ou internationale, et de vérifier leur implication éventuelle dans des actions négationnistes, dans l’apologie des républiques turques génocidaires ou dans l’exploitation financière post-génocide.

Les organisations, associations, ONG associées à ces contrôles vetting devront avoir une ligne très claire face au négationnisme, au révisionnisme rampant, au double langage et au double jeu.

Passer au crible les institutions et restaurer la confiance des citoyens implique de mettre en œuvre les contrôles vetting. Ils devront s’imposer comme un outil de prévention nécessaire, afin que le crime de génocide et son impunité ne puissent plus servir de passe-droit à nombre de personnes appartenant au monde politique et public.

Le paradigme de l’impunité, entrave aux réparations arméniennes

Par Alexandre KEBABDJIAN

A partir de 1923, les USA et l’Europe ont tourné le dos aux réparations et ont ainsi jeté les bases de l’impunité de la Turquie responsable du génocide des Arméniens. En 1952, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a intégré l’Etat génocidaire pour élargir l’espace de l’OTAN à l’Asie mineure, et mieux se protéger géostratégiquement face au bloc soviétique. La Turquie a ainsi obtenu son blanc-seing et sa protection contre toute poursuite pénale, puisqu’elle était membre d’une organisation militaire intégrant la plupart des pays de l’Occident.

Du côté russe, la doctrine de Moscou consistait à ne pas évoquer ce problème des réparations et de la justice pénale pour ne pas se mettre à dos une Turquie perçue comme un bouclier, depuis l’époque des Bolchéviks. Aujourd’hui, cet interdit, devenu tabou, est scrupuleusement appliqué par Erevan.

Depuis les années 1960, la reconnaissance internationale du génocide voulue par les organisations arméniennes de la diaspora a procuré au monde un outil pour ne jamais évoquer l’exigence pénale de réparations vis-à-vis de la Turquie. Notons l’extension de cette politique à l’Azerbaïdjan, coupable dès 1909 de pogroms de masse anti-arméniens.

Dans les années 1970 et 1980, décennies de l’émergence de la mémoire arménienne, sont sortis de l’ombre les témoignages de survivants du génocide. L’opinion a découvert l’ampleur des pertes et de la destruction de l’Arménie historique et de ses populations entre 1915 et 1923.

En réaction, toutes celles et ceux qui jusqu’à alors avaient brillé par leur silence complice envers Ankara, ont mis en branle une machine négationniste.

Après la reconnaissance par plusieurs Etats du génocide de 1915, la communauté scientifique ne peut plus désormais, comme dans le passé, nier le génocide.

En revanche, la question de l’impunité demeure un sujet tabou. Ce paradigme de l’impunité constitue le socle à partir duquel, à son tour, la communauté scientifique ouvre les portes d’un révisionnisme rampant et d’une banalisation historique.

La communauté scientifique sert de caution à l’absence de justice pénale et de réparations arméniennes.

Pour perpétuer l’impunité – cette catastrophe historique et ce scandale politique absolu – le monde occidental a recours à une stratégie globale : corrompre les Arméniens et soutenir la Turquie.

Unicitarisme

Les unicitaristes ont défendu becs et ongles la « supériorité » d’un génocide sur tous les autres, dans une hiérarchie, en soulignant la soi-disant « unicité » d’un génocide, par opposition à la « non-unicité » du génocide des Arméniens, notamment. Ce dogme a servi de renfort à Ankara, qui s’est appuyé volontiers sur ce secours inespéré.

Les unicitaristes sont attachés aux bonnes relations entre l’Occident et la République de Turquie. Ils portent une honte, assumée ou non, de la lâcheté historique dont ont fait preuve leurs pays, en permettant le génocide de 1915-1923, en ne condamnant pas la Turquie pour crime contre l’humanité, en avortant les procès des Ittihadistes Jeunes-Turcs (Angleterre en 1921 à Malte), en signant des traités d’abandon avec la Turquie (la Russie, la France et l’Angleterre ont été les signataires des traités de Moscou, de Lausanne et d’Alexandropol).

Dans les médias télévisuels, ces unicitaristes chercheront, par exemple, à escamoter la référence à l’Arménie, aux Arméniens et à la civilisation arménienne, à la moindre question d’un journaliste. Ainsi, le 12 décembre 2021, dans l’émission En toute franchise, lorsque la journaliste a évoqué l’Arménie, M. Cohn-Bendit, après avoir jeté à son interlocutrice un regard étonné, a aussitôt détourné la conversation vers un autre sujet, avant d’évoquer, finalement, le génocide des Juifs, en remplacement de celui des Arméniens qui faisait l’objet de la question. C’est ainsi qu’opéraient les adeptes de l’unicité de la Shoah à l’époque du négationniste Bernard Lewis et des débats liés à la loi de reconnaissance du génocide des Arméniens. Tous semblent avoir oublié l’héritage de Raphael Lemkin, et le travail des chercheurs de l’International Association of Genocide Scholars. Rappelons que M. Cohn-Bendit est un partisan endurci de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne.

Les falsificateurs

Globalement, la méthodologie de cette communauté scientifique a varié au cours du temps et des évènements. Il s’agissait d’abord, naturellement, d’enfouir le « problème arménien », puis d’attendre traitreusement que les survivants du génocide disparaissent.

Après la reconnaissance du génocide dans les années 2000, la communauté scientifique a commencé un long travail pluri-disciplinaire de banalisation du génocide et de la mémoire arménienne, mis en oeuvre divers subterfuges, escamotages et techniques, en cherchant, par exemple, à se servir de périphrases : « concurrence mémorielle », « revendications mémorielles », « inflation mémorielle », « bellicisme mémoriel », etc.

Ce sont les abandons successifs des Arméniens que les falsficateurs refusent évidemment d’aborder, comme l’affaire de la Cilicie et les accords secrets menés par Franklin-Bouillon, et plus récemment les crimes de guerre commis par Bakou et Ankara contre les Arméniens de l’Artsakh en 2020.

Au lieu d’aborder le sujet des réparations arméniennes comme conséquence pénale imprescriptible du génocide et de la spoliation, ils présentent l’arrivée des réfugiés comme un problème d’intégration et d’exclusion sociale, et font, du coup, disparaître les liens ontologiques entre les réfugiés et la nation arménienne de l’Empire ottoman.

Après avoir plus ou moins discrètement érigé en modèle l’intégration et le succès des Arméniens (Aznavourisme), voilà qu’on cherche maintenant à réduire l’histoire de la diaspora arménienne à une histoire d’émigration parmi d’autres.

Des semeurs de flou et d’imprécisions ont « sataniquement persévéré » (hommage à Victor Hugo) dans l’ambiguïté et la confusion, et non plus uniquement dans le silence, en associant les Arméniens à une image de « peuple ambulatoire », d’exclus, de « gens de rien », de « gens de peu » !

La non utilisation du mot « spoliation », qui qualifie juridiquement la situation des survivants Arméniens dépossédés de leurs biens et de leur propriété par la Turquie, permet à ces falsificateurs de passer outre l’exclusion des Arméniens de l’histoire, de l’Asie mineure.

Et pour parachever ce charlatanisme qui voudrait se faire passer pour scientifique, en plaquant de manière artificieuse des catégorisations sociologiques contemporaines sur les survivants du génocide, on explique le génocide des Arméniens sans parler de justice pénale, on légitime l’impunité du crime en n’abordant pas les effets juridiques, matériels et territoriaux du crime absolu !

En France comme ailleurs, les financements publics, appliqués aux études sur la diaspora arménienne et à l’enseignement du génocide, jouent inévitablement des tours à la vérité, au sérieux et à la rigueur, causant une chaîne catastrophique de quiproquos, de falsifications et d’enchevêtrements grotesques.

L’enjeu est de dissimuler l’existence d’une Arménie existentiellement menacée, et de chercher à faire taire la diaspora arménienne. Ne pouvant donc dissimuler le « problème arménien » comme par le passé, les milieux universitaires et scientifiques cherchent des ստրուկ (esclave) arméniens, pour reproduire le discours turcophile d’un parti, d’un think-tank ou d’une organisation, pour servir de « caution arménienne » au sabotage de la mémoire arménienne, pour nouer des alliances de coeur ou de raison avec l’Etat turc ou avec des faux amis (lobbies et personnalités jouant un double jeu, turcophiles camouflés).

Les milieux institutionnels, universitaires et médiatiques ont mis entre les mains de ces Arméniens complices divers outils pour mener leurs expériences et obtenir des subventions : le brouillage social et civilisationnel, la diversion, l’escamotage, les euphémismes, l’inversionnisme, la fausse symétrie, l’ultra-scepticisme, la pseudo-neutralité scientifique, l’effacement progressif de l’intention criminelle.

Citons l’exemple d’une historienne, chercheur à l’EHESS, spécialiste de la diaspora arménienne. Citons également un politologue, spécialiste de l’Arménie, journaliste au Monde, enseignant à Sciences Po Paris.

La xénophobie sélective, la diversité faussée et les milieux d’affaire turcophiles

En complément de ces procédés, on a employé à l’encontre des citoyens d’origine arménienne, et des élites arméniennes, un ostracisme, en cherchant à les délégitimer, décrédibiliser.

Les médias et les réseaux turcophiles ont donc gratifié ces intellectuels, politiciens, activistes des droits de l’homme et chercheurs, déjà établis et reconnus dans leurs domaines respectifs, d’un dénigrement ciblé, à vocation de délégitimation, en instruisant des procès en intention contre ces personnalités.

Le camp allergique aux Arméniens est ainsi passé des insinuations calomnieuses et du vocable méprisant à la calomnie tout court, en n’hésitant pas à dénigrer les franco-arméniens (la cinquième colonne « pro-russe », les « gens de rien », manifestant leur « agressivité » « insupportable », les « extrêmistes arméniens », etc) ainsi que tous ceux qui se rallieraient à leur cause, qui compatiraient au sort de l’Arménie.

De nombreux journalistes de la diversité faussée et de l’indignation sélective ont même tenté depuis l’affaire du négationniste Gilles Veinstein (par exemple M. Cahen, le 31 décembre 1998 dans Libération ; M. Héréros, le 13 décembre 2021, dans Huffington Post) d’amalgamer les Français d’origine arménienne et leurs sympathisants, à une mouvance politique française d’extrême-droite, « radicale » et « xénophobe ».

Ces individus spécialisés dans une hiérarchisation entre les origines et les catégories, dénoncent la xénophobie et l’intolérance mais la pratiquent à l’encontre de leurs concitoyens d’origine arménienne, qui deviennent ainsi des victimes consentantes, en leur faisant accepter, en leur for intérieur, l’inéluctabilité de l’impunité.

Quant au milieu de la « diversité faussée », des organisations des droits de l’homme, des associations et des partis politiques, ils se sont servis de la carte de la diversité pour y intégrer la « communauté turque ». Il serait bon de noter que cette « communauté turque » est un amalgame des peuples arménien, grec, assyrien, kurde, alévi et turc sunnite originaires de Turquie, une « communauté turque » dont les données sont entièrement faussées par le gouvernement turc et ses relais, à des fins de propagande, et enregistrées comme telles. Dans cette « communauté turque » disparate, seule la faction ultra-nationaliste, ici convoitée par les partis politiques lors des élections, s’est engagée contre la reconnaissance du génocide.

De leur côté, les milieux d’affaire liés à Ankara et à Bakou, tels que les fonds d’investissement, entreprises d’armement, de télécommunications, de satellites, dont certaines possèdent des médias (Libération, L’Opinion, TF1/LCI, entre autres) accablent occasionnellement les citoyens d’origine arménienne, leurs alliés et leurs soutiens. Ces milieux d’affaire se retrouvent en outre au sein de think tank et d’associations d’amitié avec la Turquie et l’Azerbaïdjan (Institut du Bosphore, Association des Amis de la Turquie, Association des Amis de l’Azerbaïdjan), recrutant dans leurs rangs des femmes et hommes politiques, des intellectuels, des écrivains. Ils participent du soft power d’Ankara et de Bakou, cherchent à moderniser l’image de ces autocraties revanchardes, négationnistes, pro-islamistes et impérialistes.

Les unicitaristes, les falsificateurs, le camp de la diversité faussée et les ultra-turcophiles des milieux d’affaire, agissent au sein des partis politiques, des médias (publics comme privés), des agences de presse, des organisations de la « diversité » ou des droits de l’homme, des observatoires, des milieux artistiques, universitaires, académiques, des centres de recherche nationaux, des facultés et écoles de science-politiques, de droit et de sciences sociales. La liste n’est malheureusement pas exhaustive.

Il n’est donc pas surprenant que ceux qui se sont rendus, directement ou indirectement, complices des crimes d’Ankara et de Bakou, mènent aujourd’hui des cabales dans le but de discréditer ou de calomnier les personnes d’origine arménienne.

Quant aux acolytes arméniens de la falsification, ces ստրուկ (esclave) n’ont pas été la cible de cabales, puisque c’est leur corruption matérielle ou mentale qui était la condition de leur ascension dans leurs milieux respectifs et de l’obtention de subventions de la part de leurs protecteurs. Dans d’autres cas, ces personnalités n’ont pas été visées par des cabales du simple fait de leur ignorance ou de leur crédulité.

C’est manifestement la position stratégique d’une personnalité d’origine arménienne, associée à une indépendance d’esprit, qui déclenche ces torrents de haine de la part de celles et ceux qui tolèrent ou appuient Ankara et Bakou.

L’unicitarisme, la falsification, la diversité faussée, la turcophilie des milieux d’affaire, en réalité, servent de caution à l’absence de justice pénale et de réparations arméniennes.

L’affaire AXA : le mauvais exemple

Après le relatif succès de l’affaire New-York Life Insurance, durant laquelle des réparations furent octroyées aux familles des victimes qui avaient souscrit des polices d’assurance avant le génocide, la gabegie d’Axa, récemment dévoilée par le Los Angeles Times, a mis en lumière le problème de la corruption chez certains Arméniens.

La fraude d’Axa a démontré que les avocats arméniens des Etats-Unis avaient planifié et orchestré le détournement des fonds destinés aux descendants des assurés d’Axa. Ces descendants avaient pourtant suivi toute la procédure exigée par les avocats et disposaient encore de leurs documents d’assurances pour toucher des indemnités. Mais les avocats ont érigé des barrières artificielles, et orchestré un silence consternant, qui leur a laissé le temps de mettre à leur disposition et à celle de leurs proches l’argent des indemnités.

Après cette divulgation de la fraude des avocats par le Los Angeles Times, les plaintes médiatiques de certaines associations françaises, qui ont touché une grande partie du reliquat des fonds d’AXA destinés aux associations arméniennes, semblent quelque peu relever de la supercherie et d’un jeu de dupes : ces plaignants médiatiques ont été partie prenante dans le trucage de la distribution faite aux associations, trucage qu’ils ont géré en sous-main, notamment par l’entremise de leurs alliés de la mouvance Dachnak et du CCAF, faux-nez de « coordination » placé sous le giron Dachnak.

La FRA Dachnaktsoutioun, parti politique qui s’était déjà arrogé un pouvoir discrétionnaire dans les affaires arméniennes, a étendu sa mainmise aux réparations arméniennes, par divers intermédiaires et courroies de transmission. Ses associations et médias (Radio AYP FM, France Arménie Magazine, Croix Bleue, Nouvelles d’Arménie Magazine, etc) ont ainsi été, toutes proportions gardées, les grandes bénéficiaires de ce fiasco d’Axa.

Quant à l’Église arménienne, elle qui était censée donner l’exemple a trahi la confiance des Arméniens, en participant à la gabegie, aux côtés de l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance (UGAB).

L’UGAB et la FRA Dachnaktsoutioun, toutes deux fondées à la fin de l’ère ottomane, et qui regroupent aujourd’hui quelques dizaines de milliers d’Arméniens dans le monde, ont conservé une mentalité ottomane de vassaux, voire de ստրուկ (esclave). Leurs fondateurs historiques avaient dès le début écarté la question de l’indépendance de l’Arménie historique, ne parlant au mieux que d’autonomie et de sécurité pour les Arméniens de l’Empire Ottoman, qui subissaient alors le joug du Sultan. L’UGAB était constituée, principalement, de conformistes pacifistes, et la FRA Dachnaktsoutioun, d’adversaires de la bourgeoisie et des élites arméniennes. Les Dachnak étaient atteints d’une jalousie envers leurs compatriotes, qu’ils rançonnaient parfois, pour mener leurs luttes contre le pouvoir ottoman. Depuis la révolution « Jeune-Turque » de 1908, les Dachnak ont été durant plusieurs années, avant le génocide, les alliés politiques et les observateurs des Jeunes-Turcs Ittihadistes d’Union et Progrès, dont ils connaissaient pourtant le fonds idéologique et l’ultra-nationalisme…

Aujourd’hui, les notables, journalistes, historiens et intellectuels de l’UGAB, de la FRA Dachnaktsoutioun, de ses filiales et de ses associations soeurs, se laissent dévoyer par les amis d’Ankara et de Bakou.

Des réparations, par l’entremise de ces organisations, individus et avocats qui ont entaché la réputation des Arméniens, seraient donc inévitablement détournées à chaque occasion, malgré l’éclosion de la vérité.

L’inaction de l’Arménie

Scandaleusement, la République d’Arménie, acteur international qui était le mieux placé pour engager des poursuites pénales, a tourné le dos aux réparations arméniennes, à la justice pénale et à la reconnaissance du génocide par Ankara !

La République d’Arménie s’est comportée, ici, comme une mère indigne, qui ne reconnaît plus sa famille, se compromet dans la complaisance envers les descendants des bourreaux.

Au moment de la guerre de l’Artsakh de 2020, l’Arménie s’est plainte officiellement de la complicité des entreprises occidentales dans la livraison d’armes à Bakou, du soutien militaire apporté par Ankara, et de l’indifférence du monde. Pourtant, c’est l’Arménie qui a tout mis en oeuvre, depuis 1991, pour faire comprendre au monde qu’elle n’attendait rien de la Turquie, qu’elle se soumettrait à tous les diktats, qu’elle accepterait toutes les insultes, qu’elle se prosternerait devant toutes les chancelleries du monde. L’Arménie a adopté une politique nationale et internationale d’indolence, de lenteur et de molesse dont elle récolte régulièrement les fruits amers.

L’Arménie a encouragé la diaspora arménienne à tomber dans l’erreur à ses côtés, à devenir (ou à rester) des ստրուկ (esclave) par divers moyens (ministère de la Diaspora, UGAB, Fonds Arménien, Etchmiadzine, etc). Il fallait, au dire d’un de ses ministres des Affaires étrangères, un ancien du KGB, que la diaspora se situe dans un « cadre » qui s’est rapidement avéré être celui des traités de Moscou, de Lausanne et d’Alexandropol, ce socle d’impunité et de soumission dont l’Arménie n’a jamais voulu se défaire.

Quel acteur va prendre le flambeau des réparations et de la justice pénale ?

Après un tel désastre, le flambeau des réparations et de la justice pénale devrait être pris par un nouvel acteur, qui se dresserait clairement contre ce paradigme de l’impunité, contre cet abandon, cette soumission et cette capitulation.

Ce ne pourrait être l’actuelle Turquie car elle est lestée du poids des milieux politiques, financiers, idéologiques et institutionnels qui empoisonnent la culture, l’histoire et la démocratie en Asie Mineure.

En effet, une Turquie non purgée de son venin idéologique pourrait orchestrer, avec des Arméniens acolytes de la débâcle, des réparations « symboliques » piteuses.

L’espoir se situerait-il davantage du côté d’une post-Turquie démocratique, débarrassée de son ultra-nationalisme, de son militarisme et de son ottomanisme débridés ? Cette post-Turquie pourrait mettre en oeuvre des réparations matérielles et financières sur tout le territoire de l’Arménie historique et en Asie mineure, jusqu’en Azerbaïdjan, en appliquant, entre autres, les mesures suivantes : rénover l’ensemble du patrimoine arménien, reconstruire les sites culturels arméniens détruits, les quartiers arméniens et les villages disparus, indemniser les familles arméniennes, créer des écoles en langue arménienne (l’arménien occidental parlé par les victimes du génocide et leurs descendants), financer des projets artistiques arméniens, lancer des fondations (gérées par des gens sincères qui ne seraient pas des ultra-nationalistes turcs, même déguisés ou parfumés), rétablir les anciens noms arméniens des villes et villages du pays, renommer les rues, les places, avec des noms de rois, de scientifiques, d’intellectuels, de musiciens et de poètes arméniens.

Mais rien ne garantit une telle issue historique, et tout pourrait basculer, par la faute de quelques individus et organisations, pour des raisons déjà évoquées.

L’espoir se situe du côté de la société civile internationale, des acteurs indépendants, d’une nouvelle force de sécurité internationale, postérieure à l’OTAN, qui intègrerait la sanction du crime de génocide, y compris de manière rétroactive, et donc applicable au génocide des Arméniens et à d’autres génocides impunis.

Les racines de la diasporaphobie en Arménie post-soviétique

Par Alexandre KEBABDJIAN

La diasporaphobie peut se définir comme la triple négation de la diaspora arménienne: la négation de l’arménien occidental, langue littéraire et orale des Arméniens de la diaspora et de l’Arménie occidentale; la négation des liens entre la diaspora arménienne et l’Arménie occidentale et historique dont elle est issue pour l’essentiel; et enfin, la négation des réparations financières dont les Arméniens de la diaspora sont les destinataires légitimes après le génocide de 1915-1923.

Cette triple négation de la diaspora a été forgée durant le régime stalinien. Staline, bourreau de l’Arménie, responsable de son dépeçage, voulait sans doute, en fondant cette diasporaphobie d’Etat (illustrée par la révision orthographique de l’arménien), préserver cette Arménie soviétique résiduelle de l’influence d’une diaspora indépendante, vivant dans des pays jugés idéologiquement et militairement hostiles à l’Union soviétique, diaspora pouvant réclamer la justice pour les traités-diktats signés par la Russie pendant le génocide, au mépris des droits humains.

La Russie, garante de la sécurité de cette Arménie résiduelle, a ainsi tout fait pour mettre politiquement, juridiquement, culturellement et diplomatiquement hors-jeu les réfugiés arméniens, survivants du génocide, et leurs descendants de la diaspora.

A cette triple négation d’origine stalinienne, se sont surajoutées, toujours sous l’influence de Staline, grand diviseur de nations, bourreau des nationalités, toutes les fausses représentations sur la diaspora arménienne (sur ses origines géographiques, son patrimoine, son identité, son rôle historique, ses objectifs), enracinant ces préjugés staliniens contre la diaspora dans les mentalités arméniennes d’Arménie, pour les générations à venir.

Il y aurait là, un parallèle intéressant à faire entre l’Etat arménien et la Turquie sur cette question.

L’hostilité envers la diaspora arménienne, en Turquie, a été inoculée, en l’espèce, par les néo-ittihadistes, héritiers des génocideurs Jeunes-Turcs, à travers la dissimulation et le négationnisme du génocide: les Jeunes-Turcs emprisonnés à Malte par les Britanniques niaient déjà les faits qui leur étaient reprochés lors des procès, et calomniaient les Arméniens d’Arménie occidentale en plein génocide.

Quand bien même la méfiance et/ou l’hostilité vis-à-vis de la diaspora n’auraient pas la même intensité ni le même motif à Ankara et Erevan, il convient de noter, toutefois, que l’Arménie et la Turquie sont héritières des mêmes traités-diktats imposés au peuple arménien par la Russie et ses alliés turcs; ces traités-diktats ont imposé des frontières artificielles, considérablement réduites, non viables (comme on l’a vu lors des guerres de l’Artsakh), au peuple arménien, séparant de facto et de jure l’Arménie occidentale et la République d’Arménie.

La diasporaphobie d’Ankara et de Erevan découle de ces traités-diktats signés au terme du génocide turc des Arméniens de l’Empire ottoman.

L’Arménie, en ce qui la concerne, est toujours un Etat non souverain, ne possédant aucune vision globale du monde, menant une politique au jour le jour, strictement liée à ce qui se passe sous son nez, dans son bastion. Ce pays n’aurait-il pas, du coup, une inclination à maintenir les préjugés anti-diaspora, sachant que cette diaspora possède, en ce qui la concerne, son libre arbitre et une vision plus globale?

La diplomatie défaillante de Erevan, subordonnée à Moscou, au groupe de Minsk (prétendument chargé de la résolution de la question de l’Artsakh), aux organisations internationales et aux médias étrangers, n’a pas contribué à atténuer les effets de cette diasporaphobie de l’Arménie.

Les protocoles arméno-turcs de 2009 signés par Erevan et Ankara, sous l’égide de Moscou, principalement, furent une piqûre de rappel des traités-diktats de Moscou, d’Alexandropol et de Lausanne, la concrétisation d’une certaine vision de l’État Arménien, marionnette perpétuelle de la Russie, qui déciderait des relations idéales que l’Arménie devrait mener avec la République panturquiste et néo-ittihadiste de Turquie.

Ces protocoles de 2009 ont de facto mis hors-jeu la diaspora arménienne, en réactualisant la triple négation stalinienne de la diaspora.

Cette hostilité de fond est complètement occultée et niée par le pouvoir arménien qui se contente, de temps en temps, d’une fausse symétrie qui tendrait à faire croire que les préjugés entre Arméniens de la diaspora et Arméniens de la République d’Arménie seraient équivalents.

L’Arménie et sa société civile refusent d’humaniser la diaspora, de respecter ses droits et sa dignité.

Un Etat est par définition méfiant par rapport à sa diaspora. Ici, la République d’Arménie est hostile à une diaspora issue de terres voisines, plus grandes que l’Etat actuel, et abandonnées de force.

Quant à la faction des renonciateurs de la diaspora arménienne (l’UGAB, la FRA, ses filiales et ses faux-nez pseudo-journalistiques), ils ont enclenché, dès l’époque soviétique, le processus de renonciation aux intérêts historiques de la diaspora.

Tous ces acteurs étatiques et non étatiques ont ainsi pu donner des arguments à la diasporaphobie, tout en encourageant la disparition des institutions et écoles de la diaspora.

Depuis 2018, la pression psychologique, les propos injurieux et le dénigrement à l’égard des descendants de réfugiés arméniens, ont été monnaie courante, notamment durant les collectes d’argent par les fondations et entités proches du pouvoir.

La diaspora arménienne est la conséquence directe du génocide arménien, crime contre l’humanité. La fausse symétrie entre bourreaux et victimes, l’utilisation de mots ou expressions à connotation négative sur la diaspora, deviennent de facto l’apologie d’un crime contre l’humanité ou son corollaire.

Ce discours de Erevan est complémentaire de sa turcophilie. Tous les politiciens et affairistes qui souhaitent commercer avec la Turquie néo-ittihadiste, sans tenir compte des propriétés arméniennes spoliées pendant et après le génocide, écartant du revers de la main l’exploitation financière à laquelle ils risqueraient ainsi de participer, entretiennent le discours négationniste de Erevan.

En 2020, les républiques turques, leurs drones, leurs terroristes, et leurs armées, avec l’aval de Moscou et des pays de l’OTAN, ont profité de cet excès de confiance, de ce pseudo-pragmatisme des politiciens d’Erevan pour réduire l’Arménie à plusieurs rôles et fonctions: Etat croupion de la Russie; vassal des occidentaux; esclave mental de la prétendue « communauté internationale ».

Depuis 1991, le gouvernement arménien, en utilisant la diaspora arménienne en trompe-l’oeil pour camoufler sa dépendance originelle envers la Russie, s’est sabordé sur le long terme.

Pendant que les politiciens d’Arménie et une partie de sa société civile étaient occupés à gaspiller les ressources financières de la diaspora tout en excluant cette dernière de tous les processus, ils n’ont pas modernisé l’armée de leur pays, ni lutté sérieusement contre la corruption endémique, ni permis l’émergence d’une économie indépendante, ni celle d’une opposition salutaire et de médias libres.

Révisionnisme et complaisance: la dérive des Franco-Arméniens médiatisés

Par Alexandre KEBABDJIAN

L’injustice historique renvoie à une liste de faits historiques et juridiques qui ont marqué l’Arménie, ses frontières et sa population: les traités d’Alexandropol, de Lausanne et de Moscou, signés pendant et après le génocide des Arméniens, la non-condamnation des génocideurs Ittihadistes, leur libération par l’Angleterre en 1921, la non-réparation des familles arméniennes expropriées, spoliées et massacrées, la non-restitution des territoires historiques arméniens et peuplés d’Arméniens à l’Arménie réunifiée, la non-préservation du patrimoine culturel et civilisationnel arménien.

Ces méfaits historiques et juridiques se sont perpétués sous d’autres formes en France: l’absence de réparations financières aux français d’origine arménienne, l’exploitation financière du génocide des Arméniens par les entreprises françaises, la grande rareté de sujets arméniens ou pro-arméniens dans les médias, l’échec de la loi de pénalisation de la négation du génocide des Arméniens, le développement du panturquisme et du néo-ittihadisme dans les régions de France, l’organisation sur le sol français de meetings politiques fascisants avec des officiels turcs et de camps militaires de Loups gris, et la dissimulation et la falsification de l’histoire des Arméniens de France par le monde de la recherche et des sciences.

Pourquoi les Arméniens médiatisés de France, acteurs du communautarisme électoraliste, chercheurs, historiens et experts, n’ont-ils pas sérieusement cherché des solutions aux problèmes mentionnés précédemment? Parce qu’ils n’en avaient pas le pouvoir ni la volonté. En effet, une grande partie des méfaits historiques et juridiques en France, est causée par les Arméniens médiatisés de France et leurs mentors (État, CNRS, EHESS, médias, institutions de la mémoire, partis politiques français, etc).

Tout d’abord, les promesses communautaristes électoralistes des responsables franco-arméniens autoproclamés, sont le plus souvent amplifiées avant chaque échéance électorale française, et en règle générale, jamais tenues. Ces individus, organisations et partis politiques exploitent dans ce cas précis le trauma collectif arménien, pour obtenir des dividences politiques pour eux et leurs alliés; ils s’en prennent à l’intégrité psychique des descendants des victimes, en toute connaissance de cause… Une base associative vassalisée à l’ambition personnelle des Arméniens médiatisés, base associative essentiellement constituée des groupements de la faction des renonciateurs de la diaspora arménienne (UGAB; le Parti Dachnak, ses filiales et ses faux-nez pseudo-journalistiques), leur a servi de terrain de légitimation.

En outre, leur assoupissement collectif et volontaire a permis au révisionnisme transdisciplinaire (recherche historique, enseignement, mémoire) de tisser une toile par le biais du CNRS, de l’EHESS et des réseaux de la mémoire en France, entre autres, pour falsifier l’histoire des Arméniens par les amalgames, les dissimulations, les escamotages, permettant au négationnisme rampant de dénigrer les descendants des rescapés du génocide arménien.

Il y a eu également, depuis des décennies, une grande dissimulation du fascisme franco-turc par les autorités françaises, les médias, les intellectuels, scientifiques et universitaires, et les Arméniens médiatisés de France, et cela, au mépris des droits et de la dignité des citoyens français d’origine arménienne, descendants de réfugiés arméniens.

D’énormes trous de vers sont apparus dans ce décor factice du communautarisme électoraliste et de la pseudo-objectivité scientifique et historique; les Arméniens médiatisés, une fois leur poste d’élu, de chercheur ou de journaliste obtenu pour eux ou leurs proches, n’avaient plus qu’à court-circuiter la cause arménienne, la falsifier, la saboter en l’envoyant droit dans le mur. Cela ne les empêchait pas de saisir au vol, de temps en temps, une récompense, comme la récente dissolution des Loups gris (mouvement fondé en 1968 en Turquie, et très présent en France et dans toute l’Europe) sous la présidence Macron, dissolution qui n’est survenue – bien tardivement – que parce que la Turquie était en guerre ouverte contre la France et ses représentants politiques…

Si au contraire les actions des Arméniens médiatisés de France avaient permis de trouver des solutions à tous ces problèmes: obtenir des réparations financières pour les franco-arméniens, pénaliser la négation du génocide, faire cesser toute dissimulation du génocide en France, interdire définitivement la totalité du mouvement ultra-nationaliste turc, panturquiste et néo-ittihadiste sur le sol français, nous aurions alors pu faire un tout autre constat.

Malheureusement, ces Arméniens médiatisés de France, historiens et experts révisionnistes ou dissimulateurs, responsables auto-proclamés, par leurs abandons et leurs renonciations, par leurs manoeuvres et leurs revirements permanents, ont participé à une jonction sordide entre leur groupe, la France jacobine traditionnellement turcophile, l’État d’Israël (qui vend des armes à la Turquie et à l’Azerbaïdjan, nie le génocide, notamment par l’intermédiaire d’organisations comme l’Anti-Defamation League), la Turquie néo-ittihadiste et l’Azerbaïdjan.

Dans une défaite calculée, pas à pas, par leurs mécènes et mentors, les Arméniens médiatisés de France ont établi des liens sémantiques honteux avec la Turquie, les alliés d’Ankara et les réseaux turcophiles et azérophiles de la recherche, du commerce, de la finance et des médias.

Qui parmi eux a sérieusement abordé le sort réservé aux Arméniens de Cilicie, ou l’exploitation financière par la Turquie et bien d’autres pays, du génocide de 1,5 million d’Arméniens, ou les ventes d’armes et de technologies aux dictateurs d’Ankara et Bakou, qui se poursuivent, malgré les dommages que ces armes causent à l’Arménie, à l’Artsakh (Karabakh) et à leurs populations civiles?

La carrière universitaire, académique ou politique de ces Arméniens médiatisés, a été mise en balance avec les droits et la dignité des descendants des survivants du génocide. Le procès de cette manipulation à grande échelle doit être instruit et éclater au grand jour.

La blood money du génocide arménien et les acolytes de la débâcle

Par Alexandre KEBABDJIAN

Le silence, la turcophilie sournoise, la distorsion, la minimalisation et l’atermoiement sont différentes méthodes utilisées par les acolytes de la débâcle, leurs mentors et leurs protecteurs, visant toutes au même résultat: que les descendants de réfugiés et de survivants du génocide des Arméniens, dont les familles ont été massacrées et spoliées par le gouvernement ittihadiste jeune-turc, renoncent au droit et aux réparations.

Quelle anomie dans le droit, et quelle régression! Imaginons dans chaque peuple, une faction de renonciateurs qui déciderait pour tout le monde, que la justice doit arrêter son cours, le droit international être ignoré, les réparations être empêchées.

Que des Arméniens participent activement à la renonciation au droit et aux réparations, ou tentent de persuader les Arméniens dans ce sens, dans un cadre public (représentants auto-proclamés), médiatique (ex: civilnet.am et la fondation civilitas), ou infra-communautaire (l’UGAB, le Parti Tashnagtsoutioun et ses faux nez), les rend en outre complices d’une forme de manipulation psychologique et de pression morale sur les descendants des réfugiés arméniens.

Voici une liste – non exhaustive – des arguments-prétextes qui ont été invoqués par les acolytes de la débâcle et leurs mentors et protecteurs, pour justifier une renonciation aux réparations financières, culturelles et territoriales à l’endroit des Arméniens: il ne fallait pas gêner le commerce entre les nations, ne pas entraver le libre-échange, ne pas dynamiter ou décourager la pseudo-démocratisation de la Turquie, ne pas saboter les simulacres de coordination communautaire arménienne, ne pas fragiliser ni perturber la troisième République d’Arménie, dont les quatre chefs d’État successifs, en lien avec la sphère Tashnagtsoutioun (le Parti et ses faux nez) et son système Tashnag de ralentissement de la cause arménienne, ont perpétuellement saboté la question des réparations arméniennes.

En vérité, chaque Arménien de la diaspora, chaque citoyen des États-Unis, du Canada, de France, de Russie, d’Arménie, est libre d’exercer ses droits, en tant que descendant de réfugiés arméniens, s’il souhaite que la spoliation et le meurtre de ses ancêtres soit réparée. Chaque individu, quel qu’il soit, est libre de décider pour lui-même, contrairement à ce que prétendent les acolytes de la débâcle, dans leurs officines de propagande (ex: civilnet.am).

Or les acolytes de la débâcle et leurs mentors et protecteurs, et généralement tous ceux qui dynamitent le processus de réparations arméniennes, violent indirectement l’héritage patrimonial des Arméniens, le fruit du travail et du sacrifice de plusieurs dizaines de générations d’Arméniens.

Cet héritage arménien colossal, spolié durant le génocide de 1915-1923, sert de manne financière à la Turquie moderne, pour son armement, sa diplomatie, son idéologie, son éducation, ses infrastructures, depuis un siècle.

Les acolytes de la débâcle (la République d’Arménie), en laissant la Turquie exploiter financièrement le génocide des Arméniens, tolèrent l’impérialisme et le néo-ittihadisme de l’État turc, quels que soient son régime et sa forme de gouvernement.

La renonciation au droit devrait donc être remplacée par une activation des droits de la diaspora arménienne. Cette activation des droits de la diaspora arménienne ne dépend que d’une chose, le libre arbitre des individus et leur capacité à prendre leur destin en main.

Le silence de l’Arménie encourage le silence du monde

Par Alexandre KEBABDJIAN

Depuis l’agression militaro-terroriste de l’automne 2020 contre l’Artsakh et l’Arménie, agression conduite par la Turquie et l’Azerbaïdjan, l’ensemble des Arméniens ont constaté et, pour certains d’entre eux, dénoncé, le silence du monde face aux crimes de guerre commis par ces deux dictatures turques.

Le silence du monde n’est pas nouveau, il remonte au moins à l’année 1894, date du début des massacres génocidaires de l’Empire ottoman, puis à 1915-1923, date du génocide des Arméniens.

Pourtant, l’existence d’une République d’Arménie indépendante et d’une République d’Artsakh quasi-indépendante sont des nouvelles données géopolitiques, qui, en terme d’impact de relations internationales, auraient dû, depuis 1994, briser le silence du monde.

Mais que signifie briser le silence du monde? Attendons-nous des autres pays qu’ils envoient leurs armées pour guerroyer contre celles des républiques de Turquie et d’Azerbaïdjan, ou parlent avec une fermeté réelle?

On voit, malgré tout, que le silence de la communauté internationale n’a pas empêché des villes, des organisations et des pays d’envoyer de l’assistance humanitaire à l’Arménie et à l’Artsakh. Certaines villes et régions ont même reconnu la République de l’Artsakh, voire, au niveau le plus hypocrite de soutien, émis des « voeux » de reconnaissance.

Le silence du monde ne signifie donc pas l’absence de régulation minimaliste des conséquences des agressions anti-arméniennes.

Remonter à la racine de ce silence, signifie mettre en lumière l’impunité dont jouit la Turquie néo-ittihadiste quant au génocide de la population arménienne de l’Arménie historique et de sa périphérie.

La Turquie dite « moderne », héritière de l’Empire turco-ottoman, structure militaire d’origine asiatique, n’a pas été condamnée pour le crime de génocide. Au contraire, elle a été couverte par la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Russie et le reste du monde. Ce silence du monde a accouché d’une impunité perpétuelle qu’exploite militairement, politiquement, financièrement et diplomatiquement la Turquie.

Or cette impunité turque, si elle a été fondée et légitimée par le silence du monde, a bénéficié, en outre, de la complicité de l’Arménie elle-même, précisément de sa troisième république fondée en 1991. Elle a non seulement échoué à briser le silence du monde, mais a tout fait pour le renforcer, à quatre reprises, sous Levon Ter-Petrossian, Robert Kocharyan, Serzh Sargsyan et Nikol Pashinyan. Ces quatre chefs d’État ont tous défendu l’établissement de « relations sans préconditions » avec la Turquie post-génocidaire, et ont éliminé la reconnaissance du génocide de leur agendo politico-diplomatique.

Rappelons que la reconnaissance internationale du génocide des Arméniens a été déclenchée et renforcée par les efforts colossaux menés par la diaspora arménienne des années 1970 jusqu’à nos jours.

Cette reconnaissance internationale du génocide des Arméniens n’est pas le fait des activités diplomatiques et politiques de la troisième République d’Arménie et encore moins de la République soviétique d’Arménie.

Cette République, en tant qu’acteur du droit international, en tant qu’État pouvant jouer un rôle prépondérant sur la scène internationale, a elle-même fondé en droit le silence du monde, concomittant de l’impunité de la République de Turquie et de la République d’Azerbaïdjan.

Son silence sur les réparations arméniennes et territoriales a armé ses adversaires en leur donnant toute la légitimité dont ils avaient besoin pour justifier le silence, et paradoxalement, créer un contre-feu face aux Arméniens, en usant de l’expression de « territoires occupés » relativement aux territoires historiques arméniens de l’Artsakh.

Suite à la victoire militaire de 1994 de l’Arménie, la Turquie et l’Azerbaïdjan, sous l’égide du groupe de Minsk, ont causé un vacarme autour de ces « territoires occupés »; ces républiques turques ont inversé les rôles et ont fini par demander aux Arméniens des réparations territoriales, tout en occupant militairement les territoires arméniens.

L’expression de « territoires occupés » aurait dû être, en toute légitimité, exploitée par la troisième République d’Arménie, en faveur de l’Arménie occidentale dont elle est coupée, une Arménie occidentale occupée militairement par la Turquie, du fait du génocide des Arméniens et du silence du monde.

Le silence du monde est donc non seulement la cause et la conséquence de l’impunité de la République de Turquie, mais également la conséquence de la lâcheté politique, judiciaire et diplomatique de Erevan, qui n’a saisi aucune occasion pour relever la tête, et s’est délibérément transformé en pion du jeu de la Turquie et de l’Azerbaïdjan.

De ce fait, Erevan ne peut pas exiger du monde qu’il sorte de son silence, s’il a opté pour le silence sur ses propres intérêts nationaux et enjeux existentiels.

De la même manière, la diaspora arménienne ne peut pas dénoncer ce silence universel si elle ne demande pas fermement à la troisième République d’Arménie de ne plus jouer contre ses propres intérêts et ceux des Arméniens.